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Euthanasier

Où est la limite entre se débarrasser du problème et aider l’animal à mourir pour lui épargner des souffrances ?

Certes, l’entrée en matière est un peu violente. Mais c’est en quelques mots la question que je me pose depuis que la vétérinaire m’a annoncé que notre chat-vache était au bout de sa vie.

D’un humain à l’autre, d’un animal à l’autre et même d’un moment à l’autre pour le même animal et le même humain, LA réponse est changeante.

Samedi, J-1
Alors que le soleil vient de passer derrière l'horizon, son corps fatigué dans les bras, je la dépose délicatement sur les carreaux chauds de la terrasse. Ils relarguent à cette heure la chaleur emmagasinée toute la journée. Et j'ai la folle idée que cela diffuse une chaleur réconfortante à son corps frêle, frileux et déjà un peu froid. 

Elle qui faisait encore son tour à pas lents et non assurés la veille, la voilà étalée de tout son long, sans force. 

L'heure est proche.

Avant, j’avais des principes, maintenant j’ai un chat mourant.

J’ai grandis avec un père qui nous prévient depuis que l’on est en âge de poser des questions sur la mort :

« Il est hors de question de finir dans cet état de déchéance. Si j’en ai encore la force, il suffira de rapprocher l’arme et je ferai le reste. Par contre si je n’en ai plus les capacités physiques, je compte sur vous !

On achève bien un cheval, pourquoi refuser cette humanité à un humain ? »

Daddy

Alors, c’était très simple dans ma tête : à partir du moment où la qualité de vie de l’être mourant se dégrade, il faut l’aider à mourir.

Le problème, c’est de définir LA LIMITE à partir de laquelle la qualité de vie change.

Et puis, je ne suis pas voyante pour anticiper le jour et l’heure de la souffrance de mon chat. Mon Chat-Vache ne m’a rien dit à propos de ses dernières volontés. Et je doute que son égo prenne autant de place que celui d’un humain.

Alors euthanasier est-elle de l’humanité à coup sûr ?

Mardi, J-5  
La véto caresse l'animal décharné, moelleusement engoncé sur un cousin, contre un mini oreiller, dans un sac de sport bariolé. 

La véto se joint à mon idée de foutre la paix à notre animal. 
A quoi bon ? Nous savons qu'elle va mourir. 
La question est : quand ? 

Nous abordons toutes les perspectives possibles de sa mort. 

"A partir de quand le chat souffre-t-il ? Comment s'en rend-t-on compte concrètement ?  A partir de quand le feriez-vous pour votre propre animal ?" 

 » Attention, un chat tait souvent sa douleur. Il est d’une incroyable résistance. Après avoir cessé de manger, certains chats vivent encore 7 à 10 jours.

Il est raisonnable de penser qu’à partir du moment où le chat n’interagit plus avec vous, il est peut-être souhaitable de l’aider à mourir.

Malheureusement nous n’avons pas cette chance pour les humains. »

La Véto de Chat-Vache

Bien sûr, ma belle a perdu son allure assurée mais est-ce vraiment suffisant pour décider maintenant de sa mort ?

Mercredi, J-4
Nous prévoyons de prendre rendez-vous pour l'euthanasie, pour le vendredi après-midi.

Avant d'appeler pour planifier sa mort, je l'observe :

Cette chatte monte sur le lit par elle-même, passe tranquillement son temps tantôt au soleil, tantôt à l'ombre de l'olivier, se lève pour aller dans sa litière ou s'approcher de sa gamelle d'eau.

A la voir lever la tête quand nous venons la voir ou monter sur le tabouret où j'ai installé le coussin de son arbre à chat, il est évident qu'elle n'a perdu ni la tête, ni l'usage de ses sphincters.

Elle a encore le caractère de nous montrer si cette caresse ou cette autre lui plait ou pas.

Ce n'est pas le moment, même si nous sommes conscients que son état va vite se dégrader.

Il est facile de nous faire croire à nous-mêmes que cette euthanasie est la solution pour la soulager. Mais la soulager de quoi au juste et quand ?

N’exprime-t-elle vraiment pas la douleur, l’inconfort ?

En y réfléchissant bien, cette euthanasie ne vise-t-elle pas plus notre propre confort que le sien ?

Acceptant la situation, nous vivons tournés vers les besoins de ce chat tant aimé.

Cela fait des jours que nous savons qu'elle va mourir. 

Nous avons aménagé l'environnement pour lui simplifier la vie. 
Nous l'accompagnons dans ses moindres désirs.
Je lui passe un gant de toilette chaud sur le poil pour qu'elle ne soit pas incommodée. Elle qui faisait si consciencieusement sa toilette.

Je me lève la nuit pour m'assurer qu'elle ne s'est pas mise dans une mauvaise posture, pour l'aider à boire ou faire ses besoins si nécessaire. 
La nuit, Petit Biloba vient aussi vérifier régulièrement si elle est morte ou non.

Mais au fond, faciliter ou précipiter sa mort ne serait-ce pas en grande partie le moyen :

  • d’abréger ce face à face quotidien que nous avons avec sa mort, la mort en général, notre mort, la mort inéluctable de nos proches,
  • d’anesthésier l’inconfort de nos ressentis émotionnels,
  • de nous éviter la responsabilité de l’accompagner jusqu’au bout,
  • de reprendre le plus rapidement possible notre petite vie bien tranquille ?

Je m’interroge aussi naïvement, presque rationnellement, sur l’ordre des choses :

Y a-t-il un effet sur l’âme selon que la mort est naturelle ou pas ?

Pendant ce temps, Petit Biloba fait son chemin intellectuel à propos de l'inéluctable mort, de la vie, de l'après, de son inévitable retour à la normal, de l'avenir avec un potentiel autre animal. 

Ginkgo, du haut de ses 13 ans et 5 mois, préfère paraitre distant vis à vis de la situation mais doux avec l'animal qu'il a toujours côtoyé. Il n'est peut-être vraiment pas affecté, après tout. Ou alors, il se protège comme il peut de ces émotions fortes. 

En tout état de cause, la parole se libère, le dialogue s'installe. Les questions plus que les visions de chacun s'échangent. 

La mort, ces enfants la connaissent sans la connaitre. 
A part s'en prendre aux fourmis, ils sont allés aux obsèques d'une arrière grand-mère, un grand oncle et un oncle, dans le but éducatif non dissimulé de rendre la mort indissociable de la vie. 

Mais comme me le confiait Petit Biloba (7 ans et 11 mois) : "C'était triste, mais ça ne changeait pas grand chose qu'ils ne soient plus là, puisque je ne les voyais pas tous les jours."

Accompagner son chat à mourir tranquillement entre ses murs ou la soulager, chez le véto, d’une souffrance difficilement discernable ?

Le sujet peut sembler peu cruciale pour qui ne partage pas sa vie avec compagnon à poils, plumes ou écailles et consomme des morts à la douzaine sous forme de blockbusters ou de séries criminels.

Mais au final, faire face à la mort ‘pour de vrai’, c’est pour chaque membre de la famille se confronter à une réalité naturelle que nos temps modernes prennent bien soin de laisser à la porte de nos maisons.

Notre chat-vache nous aura fait grandir jusqu’au bout.

Pensivement-votre.

C.

Published inAu fil des jours...Etat d'AmeVie de Famille

2 Comments

  1. Isabelle C. Isabelle C.

    J’ai la chance incroyable d’avoir une tatie-doc qui a dans sa trousse de doc le reiki et la communication animale intuitive.
    Alors quand la question est venue pour mon amour de Shipee, ma fidèle chienne qui m’avait portée et sauvée durant 15 ans, et qui était en grandes souffrances en attendant que sa m’man soit enfin prête à la laisser partir…
    J’ai dit à tatie-doc « Mais c’est à elle qu’il faut demander, c’est de sa vie que l’on parle. Demandez-lui ce qu’ elle veut faire, puisque vous savez communiquer de cette façon avec vos patients ». Peut-être pour me dédouaner quelque part… Ou par amour… Ou les deux…
    Et c’est donc ce que tatie-doc a fait. Aussi bizarre que cela puisse paraître.
    Et la réponse de Shipee était sans équivoque possible.
    Shipee a décidé de partir.
    Alors, puisque je l’aime si fort, je l’ai écoutée… Elle a choisi, et je lui ai donné mon dernier geste d’amour…
    Plusieurs années après, c’est au tour de Charly.
    On lui a demandé deux fois à 3 jours d’intervalle ce qu’il voulait faire. Les deux fois il a exprimé avec son sale carafon de pampanlapinou qu’il voulait rentrer à la maison. Qu’il voulait partir de notre chez-nous.
    Il est parti de l’autre côté des arcs-en-ciel le lendemain de la seconde fois avec tatie-doc. Il s’en est allé allongé de toutes ses pattes, couché dans sa boîte à jouets.

    Alors oui, cette question est terrible.
    Et chaque réponse est unique. Car chaque histoire est unique. Même pour des animaux de la même famille…

  2. bulle bulle

    Il y a 3 mois, il a fallu que je prenne avec mon véto cette difficile décision pour mon chat Museau qui avait vécu 13 ans à nos côtés ; Plus d’une fois le véto l’avait tiré d’une mauvaise passe mais là, il s’est paralysé du train arrière, je l’ai gardé trois jours comme ça , en faisant tout ce que je pouvais et le quatrième jour j’ai pris rendez-vous avec son habituel sauveur. Il fallait se rendre à l’évidence, il n’y avait plus rien à faire si ce n’est abréger le temps pour éviter des souffrances; En accord avec le véto, il a fait la piqûre pour l’endormir, je l’ai gardé contre moi, sa tête dans mes mains et lorsqu’il a été profondément endormi, j’ai laissé au véto le soin de faire la deuxième piqûre…………..
    D’une compagnie sans faille , j’ai récupéré une boîte avec ses cendres, il méritait bien ça.
    Je comprends le moment pénible……………

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