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Instant de grâce

Vivre l’instant et écrire est parfois difficilement compatible, mais je m’y suis astreinte comme pour me prouver que j’étais capable de me soumettre à une discipline personnelle dans ce tourbillon de découvertes. Les instants s’imprègnent en soi pour n’en laisser que la substance, la saveur et l’irrationnel. Cependant après quelques temps, les détails s’évaporent et le carnet de voyage permet de conserver la compréhension logique des évènements.

Alors que le village vit au ralenti à cette heure de la journée devenue si chaude, je griffonne sur la table multicolore. Je sais pertinemment que si je m’assois sur le muret surplombant l’océan (ma place favorite !) immanquablement quelqu’un viendra taper la discute. Non pas que cela me gène, bien au contraire. Mais à défaut de sieste, l’objectif est d’au moins coucher sur le papier les rebondissements qui ont conduit à notre retour parmi les pêcheurs, avant d’en oublier la chronologie.

M…., E…, J… et D….

Trois jolies jeunes filles jouent à la balle dans la ruelle qui mène à la rue principale. Elles se passent cette chaussette rembourrée selon des règles qui m’échappent encore. La chaleur ne parait pas les affecter alors qu’elles croisent un groupe de gamins courant en sens inverse vers le front de mer.

Ils sont 4 à mener à la baguette une petite roue de vélo rouillée qui les absorbe complètement. D’abord lointain, seules leurs exclamations attirent mon regard. Puis, ils se rapprochent en me jetant quelques sourires de temps en temps. Absorbée par le récit de notre retour de la ‘Vallée Maudite’, je ne m’aperçois pas tout de suite qu’ils jouent maintenant à deux pas de moi. Ce n’est que lorsque les mômes s’assoient sur les marches à ma gauche que je réalise leur présence. Parmi cette brochette de frimousses attendrissantes, la petite me jette des œillades un peu timides, auxquelles je réponds évidemment par de grands sourires.

J…, E… et D…. croqués par M….

C’est alors que l’un des garçons tire le tabouret d’en face pour s’assoir à ma table. Le champ étant ouvert, les 3 autres rappliquent aussitôt. Peu d’affaires à moi mais tout les fascine. E…. (6 ans) ne lâche plus mes clefs accrochées à un petit coquillage. Tout est prétexte pour apprendre quelques mots de créole ou de français. Je m’aperçois très vite que ce qui attise leur curiosité est mon appareil photo dont J… (10 ans) et M…. (5 ans) s’emparent très interrogateurs, sous le regard jaloux de D…. (4 ans).

Passe alors à notre droite une femme qui observe la scène mi-gênée, mi-attendrie. J’apprendrai plus tard qu’elle est la mère d’E… et D…. et donc qu’elle fait parti de la grande fratrie du boulanger (13 ‘frères et sœurs’ au total).


M…. et l’objectif !

Après leur avoir montré comment faire défiler les photos, les rires fusent lorsqu’ils découvrent des visages de leurs connaissances. Ils me nomment chaque personne et commentent entre eux chaque situation, en s’arrachant l’appareil pour mieux y voir. Très vite, ils veulent faire parti de la galerie et se mettent à poser très sérieusement devant l’objectif. Vérifiant que leur image est bien réussie, ils réclament d’autres photos pour lesquelles ils grimacent avec beaucoup de malice. La petite M…. décide rapidement de prendre une photo de ses copains par elle-même.

Répondant à l’appel de leur mère, D…. et E… m’abandonnent avec un sourire jusqu’aux oreilles alors que J… s’intéresse à mon carnet de voyage. Je lui propose donc de dessiner. Le premier sujet qui l’inspire est évidemment un bateau  sur lequel il place un pécheur. Il termine juste quand E… rapplique pour réciter avec lui les voyelles qu’il vient de noter fièrement.

José-bis

L’œuvre de l’artiste.

J… a à peine le temps de signer son œuvre, non sans une certaine application, que la nuée de moineaux l’emportent un peu plus loin. A quelques mètres, M…. stoppe tout net dans son élan et se retourne. Elle m’annonce de loin qu’ils vont se baigner comme pour justifier le départ précipité de ses camarades de jeu. Les rires disparaissent alors graduellement derrière le muret surplombant l’océan.

Quelques jours plus tard, étonné de cette nouvelle complicité avec les enfants, le plus enjoué de mes amis d’ici m’apprendra qu’il est l’oncle de deux d’entre eux.

Comment l’évidence de ces visages a-t-elle pu m’échapper ?

Published inAu fil des jours...Cap VertPhotographie

One Comment

  1. bulle bulle

    ces enfants ont l’air heureux,Mayar a un petit air espiègle, mais par contre je trouve qu’Eric
    a un regard un peu triste ,ou bien ce sont les cernes aux yeux qui donnent ce petit air ..

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