Voilà en substance ce que j’ai lu dans cette correspondance de chirurgien à chirurgien quand mon médecin m’a tendu le dossier de son sourire complice !
Les anciens disciples, consultés avant ma grossesse, admiraient le travail du maitre chirurgien orthopédique pédiatrique … le Professeur Jean Prévot.
Passons les détails techniques liés aux langes larges, attelles ou appareil d’abduction de Petit, immobilisation de plusieurs semaines en traction (Sommerville – Petit), plâtre du bassin aux chevilles de retour à la maison, Dérotation bilatérale, Ostéotomie de Salter, vis, plaques, broches, etc
Luxation congénitale de hanche (LCH)
Que des mots qui font trembler les parents d’enfant présentant une Luxation Congénitale des Hanches (LCH).
Et c’est pour ces parents inquiets de l’avenir que j’écris ce post …
Parce que traitée de l’âge de 5 mois à celui de 7 ans par le Professeur Jean Prévot à Brabois puis à l’Hôpital d’Enfants de Nancy, j’ai mené entre les hospitalisations une vie plutôt normale et depuis le CP une existence tout à fait similaire à celle de mes camarades.
A l’exception de l’équitation, j’ai pratiqué gymnastique, volley-ball, escrime, course à pied, tennis, claquettes, natation, rando, voile, parapente, ainsi que tous les sports que l’on peut découvrir à l’école.
Je n’ai aucune fatigue ou douleur particulière et mon fils est né de façon tout à fait naturelle, sans besoin de recourir à une césarienne pour préserver mon bassin.
Ostéotomie de Salter
Enfant ce fut une aventure à la fois banale et extravagante.
Je me souviens encore des interminables journées d’analyses, de radios et des dessins que faisait le Pr Prévot pour m’expliquer le but de l’opération à venir, alors que je n’avais pas 3 ans.
Parmi les souvenirs cotonneux ou encore bien vivaces, il y a les grands lits à barreaux et plus tard des amours d’infirmière qui (à cette époque) avaient le temps de me faire une natte africaine pour la visite du grand ponte. Le Saint Nicolas aussi passait à l’hôpital, suivi du Père Fouettard ! La classe des enfants en séjour prolongé, les séances de rééducation encourageantes et les minuscules pots de confiture sur le plateau du petit déjeuner, tout avait des odeurs caractéristiques qui me relient parfois soudainement à ce passé.
Si je vous raconte cela, c’est pour vous dire que les enfants ne retiennent pas ce qui vous effraie, vous les parents. Ils ont cette capacité lucide à affronter les situations exceptionnelles de façon ordinaire, sans en faire des montagnes. Ils s’appuient sur vous sachant que ‘s’il le faut, ils le feront‘.
Maturité et résistance sont probablement des traits de caractère induits qu’ils utiliseront ensuite tout au long de leur vie.
Mon seul mauvais souvenir est celui d’une vieille infirmière chef essayant de me rassurer en me disant que j’allais faire une promenade avec ces deux messieurs alors que je savais pertinemment, du haut de mes 5 ans, qu’ils me descendaient au bloc.
De ce jour, je n’ai jamais sous-estimé la compréhension d’un enfant … 😉
Le traitement orthopédique préalable et les protocoles chirurgicaux de réduction des LCH récalcitrantes ont intrinsèquement peu évolué, cependant la décision de faire opérer son enfant reste toujours aussi cruciale et angoissante, le cas échéant.
Si je peux témoigner de la chance que j’ai de vivre normalement grâce à la délicate décision prise par mes parents, il y a plus de 30 ans, c’est qu’ils :
- – ont été vigilants, faisant en sorte que je sois entre des mains expertes et reconnues (ayant la certitude que ce serait le Professeur pré-cité et personne d’autre qui m’opérerait une fois sur la table),
- – étaient de vrais rocs pour la petite enfant que j’étais,
- – me faisaient confiance pour surmonter cette situation (probablement mieux qu’eux intérieurement).
Et puis, j’ai toujours pensé en regardant les autres petites filles qu’il leur manquait des ‘fermetures éclair’ sur les cotés !
A part ces cicatrices dont je ne m’aperçois pas, les modifications apportées à mon squelette ne sont même plus discernables sur les radios …
… par la magie du corps humain (aidé de Coué !)
et le talent du Professeur Jean Prévot (aujourd’hui à la retraite).
Merci !
A lire aussi : LCH – Dépistage de génération en génération.
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Pour en savoir plus ->
Qu’est-ce qu’une luxation congénitale de hanche ?, www.pediaos.fr, Nov 2009
Dysplasie de hanche : Histoire naturelle, European Journal of Orthopaedic Surgery & Traumatology, J. Prévot, 1993 (Volume 3, Number 3, 211-214, DOI: 10.1007/BF01796519)
La maladie luxante de la hanche de l’enfant et de l’adolescent, Livre de Lucien Simon, Alain Dimeglio, 2000
Luxation congénitale de hanche – La dépister précocement – Fiche S.O.F.C.O.T, n°5b, Novembre 2006
La luxation congénitale de la hanche à la période néonatale, Pr Rémi Kohler, 1996
Dépistage et prise en charge initiale de la luxation congénitale de hanche, Ortho-pédiatique vol 5, B. Fenoll
Luxation congénitale de la hanche, B. Fenoll, cours DESC, 17-09-2007
La luxation congénitale de hanche vue par l’orthopédiste pédiatre, Damien Fron, Lille, Médecine thérapeutique/Pédiatrie. Volume 10, Numéro 2, 85-96, Mars-Avril 2007, Dossier et ses illustrations.
Luxation congénitale de hanche, Imagerie musculosquelettique: Pathologies locorégionales, Anne Cotten, Nathalie Boutry
Luxation Congénitale de la Hanche – Aspects cliniques, chirurgie-pediatrique.net
Qu’est ce qu’une luxation congénitale de hanche et comment cela se soigne-t-il?, CHU de Nantes, Sophie Guillard, 10-12-2009 (nombreuses images du traitement en traction et abduction)
Luxation congénitale de la hanche, www-sante.ujf-grenoble.fr, Professeur Philippe MERLOZ, Avril 2004 (avec videos de dépistage sur nouveau né)
Bébé et sa hanche, à suivre de très près, S.O.F.C.O.T, 24-03-2006
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Rotational femoral osteotomies using an endomedullary saw, R. Gérard, E. Stindela, G. Moineaua, D. Le Nena and C. Lefèvre, CHU Brest, 04-05-2009
Ostéotomie de dérotation en un temps pour cal vicieux sur enclouage centro-médullaire, W. Strecker, Mars 2008
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Techniques des ostéotomies pelviennes de réorientation et acétabuloplasties chez l’enfant, J. Sales de Gauzy, Conférences d’enseignement 2009
Les Ostéotomies pelviennes chez l’enfant – Principes – Indications, Bronfen.C, Mallet.J.-F.
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Liste bibliographique pdf : page 1 / page 2 / page 3
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Les Youzos (Blog d’une famille confrontée à la LCH)
On peut souvent lire sur les forums des témoignages alarmants car c’est bien connu les gens pour qui tout va bien ne viennent pas se plaindre sur Internet !
Il fallait donc rétablir un certain équilibre.
Si cela peut aider au moins une personne mon objectif sera atteint.
Il est vrai qu’aussi présents soient les parents, l’enfant vit une partie de cette expérience ‘en autonomie’ totale : les nuits à l’hôpital, le parcours jusqu’au bloc, la salle de réveil, la douleur, les soins, etc
Chaque enfant est différent, mais je me souviens très bien que même si je râlais, je prenais l’absence de mes parents comme tombant sous le sens : le bloc leur était interdit, ils devaient aussi s’occuper de la fratrie, etc … Je ne leur en ai donc jamais voulu.
C’est peut-être aussi parce qu’ils m’ont toujours tout expliqué et anticipé.
Pour les séparations au quotidien, peut-être pouvez-vous lui donner un petit objet de vous, comme un talisman qui jouerait le rôle d’objet transitionnel même si elle est grande maintenant.
Je découvre cet article avec plaisir… et j’y découvre d’ailleurs un lien sur notre blog… merci !
Merci aussi pour toutes ces explications en connaissance de cause… Pour notre fille aînée (6ans 1/2) le parcours n’est pas encore fini… alors que la petite (4ans) est juste en phase de contrôle tous les 2 ans.
je suis vraiment d’accord sur la faculté de réaction des enfants mais aussi tout ce qu’ils développent à côté. Yuna reste une petite fille vive, curieuse, toujours contente. Elle aime la vie et la dévore à pleines dents! Bon son seul soucis reste la séparation. elle a beaucoup de mal à nous laisser… je pense que tout cela vient de l’hopital… même si on était tjrs avec elle… elle est partie seule en salle d’opération… elle s’est réveillée seule… effrayée… bref… c’est pour le moment la seule chose négative qui reste encrée dans le caractère de notre fille…
c’est terrible à dire, mais les enfants ont une telle facilité d’adaptation ou d’acceptation, mais sans aucune résignation, que ce sont les parents avec leur coeur qui souffrent le plus
de telles situations.
La durée totale ? Je n’en sais rien.
Mais ce qui m’a interpellé une fois adulte, c’est l’âge auquel ces séjours de traction se sont passés : grossièrement plusieurs semaines à partir de 5 mois, un âge où l’enfant est normalement encore en fusion avec sa mère.
Puis, l’immobilité avec les plâtres et l’appareil à un âge où l’enfant est programmé pour explorer son environnement. D’ailleurs je trouvais toujours un moyen de me déplacer ! 😉
Les infirmières disaient en effet que les enfants grandissant dans ce genre de situation développaient d’autres talents : observation, analyse, sociabilité, abstraction, etc
A l’âge des opérations (2 ans 1/2, 3 ans 1/2, 5 ans 1/2 et 6 ans 1/2), les hospitalisations étaient très courtes (quelques jours) mais la durée des plâtres, bien trop longue (plusieurs semaines) ! 🙂
Voyant Petit Ginkgo passer à ces âges, mes yeux d’adulte trouvent que j’étais si petite alors que je sais (je me souviens) que j’étais déjà une grande fille dans mes réflexions.
Pendant toute cette période, je ne souhaitais pas être ailleurs, je vivais juste l’instant souriante et combative.
Avec la certitude, au contraire d’une maladie, qu’au final tout rentrerait dans l’ordre. (Cela change tant de choses !)
Mais d’autres personnes sont d’accord avec toi : ces conditions de développement à des âges clefs ont probablement décuplé une certaine soif de découverte, d’exploration, une conscience exacerbée du temps à faire fructifier, un goût pour profiter de la vie en grandissant.
Combien de temps as-tu séjourné à l’hôpital, en ajoutant tout? Combien de temps perdu, en action, et gagné en observation, en connaissance des autres, et surtout en goût du voyage, du partir?
Ce que tu dis à propos des enfants et leur capacité à dédramatiser des situations que leurs parents ne savent pas par quel bout prendre, je l’ai vu maintes fois à l’institut de cancérologie chez des petits malades, leucémiques ou autres, qui souriaient de bon coeur, tandis que les parents faisaient des tronches à faire rater une couvée de singes. (pardon pour l’expression, elle est empruntée à Bernadette….)
un peu le même problème dans le cas du pied tourné vers l’intérieur : ma petite fille a eu ce problème à la naissance, attelles, 3 séances de kiné par semaine pour les premiers mois, mais heureusement aucune incidence au moment de la marche, elle a trois ans, tout est normal mais avec une séance de kiné par semaine et un suivi médical . Avec une prise en charge sérieuse, elle court comme toutes les petites filles, pourra pratiquer tous les sports et est parfaitement épanouie.
La luxation congénitale de la hanche se constituerait sous l’action de deux facteurs probables.
A savoir
* un facteur déterminant mécanique : une position luxante in utero et/ou lors de l’accouchement
* un facteur inconstant génétique : traduit soit par une hyperlaxité articulaire, soit par une insuffisance de profondeur acétabulaire.
60% des LCH se réduisent spontanément et 5% mènent à intervention chirurgicale.
Voir aussi l’encadré ‘L’énigme Génétique …’ par le Pr Ferec dans ce communiqué de presse de la SOFCOT
Ca se produit lors de l’accouchement, c’est pourquoi maintenant depuis au moins 20 ans, à la naissance on a l’impression qu’ils traitent les nouveaux nés comme des grenouilles, en écartant les jambes au niveau des hanches. C’est indispensable pour éviter des bascules ou plus tard des phénomènes plus graves pouvant entraîner des prothèses de la hanche.