M’aurait on menti ?
Fougueuse étudiante, j’étais persuadée que je trouverai un job si passionnant que se lever le matin ne serait qu’un détail. Et bien non …
Quand j’ai commencé, ici, chez Industrie&Co, j’étais comme orpheline de l’apprentissage : des soirées entières libres pour tout loisir de mon choix. Déstabilisée, je n’avais même plus la culpabilité de ne pas bucher, ce qui était pourtant mon lot régulier.
Je ne savais faire qu’une chose : étudier. Alors qu’allais-je devenir maintenant que les examens étaient finis, que les diplômes étaient obtenus ??
J’ai tenté de m’intéresser à plusieurs activités manuelles de décoration, avec quelques jolies résultats, mais sans grande conviction. L’idée m’est alors venue de me lancer dans de nouveaux défis, en parallèle de mon travail : un CAP de photographe … (pas trop de débouchés, mais beaucoup de plaisir) … un BTS de design de l’espace, à défaut d’un cursus complet d’architecture (ah, l’architecture, un autre centre d’intérêt très ancré !)
Ces réflexions ont duré de longs mois (elles ont encore quelques sursauts réguliers) sous différentes formes. L’essentiel est de savoir vraiment dans quelle direction mener ma barque. Ce qui est pour le moment très difficile à dire, d’autant que nous sommes deux. Ange, lui ne se pose pas ces questions en ces termes. En premier lieu, pour lui, ce qui importe c’est trouver Le premier poste !
C’est en effet plus facile de remettre en question quelque chose que l’on possède déjà …. J’ai l’impression de réfléchir en enfant gaté ! Pourquoi, ne puis-je pas me contenter d’un bon travail, aux revenus très honorables, d’un toit pour dormir, d’une bonne santé, et de l’amour de Ange ?
Mon premier job aurait pu occuper tout l’espace de mon intérêt, comme tout jeune diplômé aux dents longues, qui se respecte, mettant à profit l’ambition pour obtenir plus de responsabilités, plus de fric, plus de reconnaissance. Mais malgré un investissement non limité (mon baromètre stress s’en souvient encore) je n’arrivais pas à être fascinée par la course à la « réussite ».
Mes fenêtres donnant sur un lycée, je me surprenais à envier cette génération sans réels soucis :
A l’époque, j’avais des questions existentielles profondes et une forte impatience de « commencer » ma vie. Pourquoi n’ai-je pas suffisamment profité de cette insouciance, certes sans autonomie, mais aussi sans question matérielle ?
Une remise en question de toutes ces années d’acharnement « d’études secondaires » a donc commencé à pousser. Pourquoi ai-je fait tant d’études, dans cette voie, si les responsabilités ne m’intéressent plus ?? Est-ce un problème d’orientation ? Ai-je alors perdu mon temps ?
Autour de moi, beaucoup de mes co-disciples semblent s’interroger aussi. Je ressens comme le malaise d’une génération qui ne trouve pas sa place. Faire un bilan de compétence, se réorienter, changer de voie, sont des mots courants, pour des jeunes qui commencent tout juste à être actifs. Certains ont eu le courage de changer tout de suite de chemin, d’autres attendent de mettre à profit, au moins quelques années, un diplôme chèrement acquis.
Je suis de ceux là, car au delà de ma petite personne, ce sont mes parents qui ont investi dans mon avenir, en me donnant ce qu’ils n’avaient pas eu, pour que je réalise ce que j’avais souhaité et pour que ma vie soit plus agréable. Comment être si ingrate ou girouette ? Tout abandonner maintenant n’aurait pas de sens. Et puis, ne nous le cachons pas, si j’ai visé cela, c’était aussi pour avoir les moyens de réaliser mes envies. Une refonte totale de mes intérêts est profondément à réfléchir…
Mais un sentiment de duperie reste associé. Bien que j’ai fait de nombreuses immersions en entreprise, de longue durée même, la vie active ne ressemble, en rien, aux sirènes qui nous ont bercés. Je n’ai d’ailleurs malheureusement pas hérité, de la capacité de ma mère à se ravir pour aller au boulot. Quelle infortune !
L’entreprise me parait maintenant peu différente d’une cour d’école : Il s’y trame des histoires en sous-main, des alliances, des sujets insignifiants sont montés en épingle et requièrent l’arbitrage du directeur. Les filles cancanent sur la présentation des uns et des autres. Quelques sourires complices se dessinent. Se faire bien voir auprès du prof pour obtenir de bonnes notes est un objectif non dissimulé.
Le monde des adultes est une grande fable. Je ne vois qu’un collège où la marge est au centre des intérêts, et où beaucoup sont gonflés d’orgueil pour diverses raisons : les montagnes de chiffres qu’ils manipulent, les hautes responsabilités qu’ils endossent, la cause du profit auquel ils se dévouent, le nombres de sous-fifres qui les mettent en valeur.
Je ne me sens décidément pas à ma place.
Est-ce juste le syndrome de l’imposture ou une vision de la vie profondément différente ?
Maintenant je le sais, j’étais de ces sentinelles qui comprennent que notre société est bancale alors que les autres s’aveuglent dans leur riche profit individuel au dépend de la planète et du vivant.
J’avais raison … 10 ans plus tard … le point de vue est devenu à la mode !
Je ferais bien de me faire confiance.
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