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Schizophrénie – On en parle ?

Alors que mes parents sillonnent frénétiquement la France en camion-home sweet home, depuis la mort de leur fils aîné, la vie anodine a repris son cours pour moi, au Phare.

Une aspiration au rangement, à l’organisation, à la planification, à la propreté, à l’hygiène de vie me porte d’une manière étrange. J’essaie clairement et avec zèle de ‘maîtriser’ ce qui m’entoure.

Évidemment, j’ai bien relié cette avidité à garder le contrôle … à cette incapacité passée à sauver mon frère. Inconsciemment, il y a une peur de perdre le contrôle. Il est donc fort probable que je m’efforce à ce que plus rien ne m’échappe.

Le prix de cette incompétence fut bien trop cher : une vie.

« Il n’y a pas mort d’homme » pour signifier que rien n’est grave est devenue une expression insupportable.

Je sais à présent très précisément que ce que l’entourage perçoit comme banale peut en réalité être si grave que l’aboutissement en est la mort.

Bien sûr derrière cette quête de maîtrise se dessine une forme de culpabilité.

– Même si je sais que j’étais la personne présente, même à distance, quand tout le monde avait fermé la porte, alors qu’il avait démotivé tous les autres.
– Même si je sais qu’à 300 km de distance, il est complexe de veiller sur quelqu’un qui commence à vivre dans son monde.
– Même si je me rends compte après coup, que ni le psychiatre et ni la seule structure possible dans ce département n’étaient à la hauteur.
– Même si j’expliquais régulièrement à notre mère, à Ange et à qui voulait l’entendre que cela devenait de plus en plus difficile pour moi de garder le contact.
– Même s’il me fallait des ressources insoupçonnées, les derniers mois, pour supporter une conversation au téléphone (il déformait toutes les situations), je sais que j’ai fait ce que je pouvais avec les moyens et les connaissances à disposition.
– Même si je sais qu’il était au bout d’une souffrance de toute une vie qui n’a rien à voir avec moi.
– Même si je sais lui avoir exprimé tout mon amour pour lui.

Ma raison soulage difficilement l’être stupéfait et triste en moi.
J’accueille les émotions, j’écoute avec bienveillance les différentes parts de moi et leurs besoins respectifs.

Cependant pour moi, pour mes parents et peut-être pour mon autre frère, la peine de sa disparition est doublement plombée par les circonstances de sa mort.

– La découverte de son corps plusieurs semaines après sa mort.
– A l’exception de café, aucune nourriture retrouvée dans l’appartement, ni dans ses placards, ni dans son frigo.
– Pas de vêtements portés hors des étagères.
– Aucun mot n’abordant sa difficulté à supporter la vie, un ras le bol général ou une volonté de mourir.

Beaucoup d’incertitude entoure son décès, ce qui n’aide pas à l’imaginer apaisé.

– Etait-ce une volonté de se laisser mourir par privation de nourriture ?
– Etait-ce une expérience de jeune ou une expérience mystique qui a mal tournée ?
– Etait-ce une fatigue si profonde qu’il n’a plus eu de ressources pour appeler au secours ?
– Etait-ce un délire psychotique paranoïaque qui l’aurait piégé à l’intérieur de son appartement ?
– Etait-ce une simple usure du corps à force de mal bouffe et de non soin conduisant à l’arrêt des fonctions vitales, donc cardiaques ?

Je ne cherche pas forcément de coupable mais je suis fâchée :

– qu’SFR lui ait coupé le téléphone pour une obscure raison d’avoirs non basculés sur son compte
– qu’un diagnostic plus précis que ‘troubles psychotiques’ n’ai pas été posé.
Si le psychiatre avait clairement utilisé le mot ‘schizophrénie’ cela aurait déclenché chez moi le recours à une association pour trouver des infos, du soutien et des stratégies pour éviter les écueils.
– que le psychiatre, les équipes de l’hôpital de jour, de l’association de réinsertion sociale m’aient abandonnée, seule, avec pour seule excuse à chaque fois : « On ne peut rien faire s’il n’est pas moteur. Il faut attendre un déclic pour qu’il se prenne en main. »
Quel déclic ?
Une bouffée délirante pendant laquelle il se mettrait en danger ou pire qui mettrait en danger quelqu’un d’autre ? Êtes-vous sérieux ?

Si j’analyse maintenant le comportement de mon frère avec ce que l’on a appris depuis, je ne peux en conclure qu’une chose :

Mon frère était atteint de schizophrénie.

Il n’avait donc aucune chance de s’en sortir SEUL.
Car il n’avait pas la moindre conscience du déséquilibre de la chimie de son cerveau.

Et l’erreur que l’on fait en France, c’est de ne traiter ces patients que sous l’angle psychiatrique et non pas sous celui neuropsychologique voire neurobiologique.

Ailleurs, on traite le déséquilibre par différents moyens (en Russie, le jeûne montre d’excellents résultats) plutôt que d’attendre l’impossible : que le patient devienne raisonnable.

Dans ces conditions, la loyauté que je me suis efforcée de respecter vis à vis de ses choix, de sa peur d’être interné, de sa terreur de perdre son appartement ou son chien n’avait finalement aucun sens.

Ça n’a fait que de renforcer son isolement, ça ne l’a conduit qu’à la solitude.

Il me semble que j’aurais dû déployer le processus d’internement sous la contrainte.

Et puis, tout bien réfléchi de quelle aide aurait-il bénéficié, une fois interné ?

La simple mise sous camisole chimique (qu’il avait expérimenté de nombreuses années) puisque rien d’autre n’était proposé.

Réellement, il lui était légitime de vouloir vivre tranquillement sans rien demander à personne. Qui ennuyait-il, à l’exception de son voisin avec les cœurs de l’armée rouge ?

Personne. D’ailleurs il ne dérangeait pas non plus les organismes sociaux qui ont fini par le rayer des listes, faute de dossiers renvoyés en temps et en heure.

Le système français impersonnel, qui ne traite en aucun cas d’humain, n’a pas eu le moindre sursaut ou questionnement sur le fait que ce type de profil, non inséré socialement, n’était peut-être plus en mesure ni de remplir, ni d’acheminer ces fameux dossiers, pourtant essentiels pour leur survie financière.

Pourquoi la famille n’est-elle pas, au moins, alertée dans ce genre de cas ?

Personnellement, j’avais misé sur l’impaiement de son loyer comme ultime signal d’alerte pour déclencher mon ingérence dans sa vie.

C’était sans compter sur le fait que mon frère avait réglé 6 mois de loyer d’avance à son propriétaire.

Echec et Mat !

Je vais me rapprocher d’une association liée à la schizophrénie afin d’apporter ma pierre à l’évolution d’un état de fait sous développé en France.

Au plaisir de vous lire.

 

Published inAu fil des jours...Etat d'AmeLe Clan

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