Voilà ce qui surmontait la salle de recueillement du crématorium en cette magnifique matinée de soleil frais. L’édifice avec sa coupole très 19 ème se laisse découvrir à l’issue d’une longue allée bordée de sépultures anciennes.
Mais pourquoi l’appareil photo n’est-il pas à portée de main pour dérober cette lumière rasante qui illumine avec douceur des concessions pleines de vanité ?
En bout de course – Nouveau Cimetière de la Guillotière, Lyon (16-09-2011)
Du plus loin qu’elle s’en souvienne la mort a toujours été une évidence de la vie pour Capsicum. Non pas qu’elle y ai été confrontée très jeune. Elle avait déjà 6 ans quand on lui refusa d’aller à l’enterrement de son grand-père.
Mais il arrivait qu’elle pense à une éventualité funeste soudaine dans le quotidien anodin de sa vie d’enfant : un accident de voiture sur la route des vacances, une chute fatale pendant les séances de rappel, une agression sur le chemin de l’école, un non-réveil à l’issu d’une opération, etc, à l’exception du suicide, vu par son jeune regard comme un couard renoncement.
Le coeur des vivants – Nouveau Cimetière de la Guillotière, Lyon (16-09-2011)
Elle a très vite compris que cela effrayait les adultes qui s’arrangeaient pour éluder ses questions. Rapidement, elle a décidé qu’elle partirait en fumée afin de ne pas empoisonner la terre des vivants.
Bien plus tard, les rites mongoles/bouddhistes n’ont fait que renforcer sa conviction. Il y a quelque chose de plus noble à nourrir un vautour au sommet d’une montagne que de se faire digérer par des vers blancs, six pieds sous terre … à l’image de leurs criminels.
Alors, à défaut de fin romanesque, autant s’enflammer !
Ces jours de Toussaint froids et humides, où endimanchée il fallait faire le tour des cimetières, Capsicum ne comprenaient pas pourquoi ses aînés se recueillaient sur des tombes vides. N’a-t-on pas appris à cette enfant que les âmes partaient au ciel ? Il est bien plus aisé de parler à ses morts de n’importe où, où l’on se trouve !
Avec le temps, Capsicum a développé une spiritualité très personnelle et regarde finalement avec bienveillance les vivants qui ont besoin de matérialiser la mort pour canaliser leurs émotions.
De tout coeur – Nouveau Cimetière de la Guillotière, Lyon (16-09-2011)
Les cimetières sont des endroits magnifiques et paisibles où l’histoire, l’architecture, l’art voisinent avec les émotions, la nature et les religions. Capsicum a toujours aimé y flâner.
Mais il faut dire qu’au delà des siècles, les sépultures perpétuent quand même la mémoire familiale. Un prénom gravé dans le marbre provoque parfois l’intérêt d’un descendant qui rend l’aïeul immortel … enfin si les générations suivantes veulent bien renouveler le paiement de la concession !
Capsicum ne renonce absolument pas à ce que ses cendres soient libérées, d’autant qu’elle a maintenant trouvé l’endroit où les disperser (si, si, c’est encore possible !), comme l’ultime prétexte à la transmission du ‘Voyage’ …
Mais si ses vivants ont vraiment besoin de se balader dans les allées d’un cimetière au doux soleil matinal et bien soit, qu’une plaque gravée à son nom cache une mèche de ses cheveux dans l’une de ces petites cases de columbarium.
« La mort ne vous concerne ni mort ni vif : vif parce que vous êtes ; mort parce que vous n’êtes plus. »
Montaigne
Crématoire du nouveau cimetière de la Guillotière – Lyon (16-09-2011)
Ils attendrons cependant au moins 3 jours avant de livrer la dépouille à la haute température. Bien des prosaïques catalepsies ont été simulacres de résurrections énigmatiques !
Non, sérieusement, imaginons plutôt qu’il faille laisser le temps à l’esprit de se détacher du corps … 😉 Et puis, c’est juste le temps nécessaire à la réunion de suffisamment d’amis pour faire une belle fête enjouée, musicale et arrosée de rhum !
Il vaut mieux utiliser son argent pour le plaisir de ses invités que pour un cercueil rutilant qui finira en cendres …
Et bien dansez maintenant.
Je connais bien cette salle…
La première fois, pour Jean, mon grand-père. J’avais 13 ans. C’était la première fois que quelqu’un moirrait autour de moi.
Comme il le désirait, nous avons choisi pour lui un endroit au jardin du souvenir. Ce jardin est à droite de la bâtisse.
Jeanne, son épouse, était perdue et avait confié le choix de l’endroit précis à mon frère cadet, dont notre grand-père était aussi le parrain.
La dernière fois, nous y menions Jeanne, ma mamie. Elle allait enfin rejoindre son Jean.
Et après la cérémonie religieuse, rendue si « vivante » par tous les amis de la chorale de ma grand-mère, nous remontions cette allée, derrière le cercueil.
Je pleurais de tant de regrets, de tant de moments que nous n’avions jamais eus, Jeanne et moi, à cause d’une histoire familiale tellement fragile…
Je pleurais…
Et ma nièce qui n’avait que 5 ans, est venue me prendre la main. Et de sa voix de petite fille qui grandissait à sa façon ce jour-là, m’a demandé « Pourquoi tu pleures ? À l’église, mamie a fait dire qu’elle ne veut pas qu’on pleure… »
Tu n’avais que 5 ans, et pourtant tu as écouté toute la cérémonie, tous les textes lus, par moi, et d’autres. Et tu as fait comme Mamie voulait, tu n’as pas pleuré. « Mamie, elle est au Ciel, elle est pas loin. »
Je connais bien cette salle…
Merci de l’évoquer de cette façon…
crématorium de la Guillotière,je connais pour avoir accompagné quelqu’un de ma famille.
crémation :j’éprouve plus d’apaisement en pensant
à ceux qui me sont chers et ont été incinèrés par rapport à ceux qui ont été enterrés (au moins le corps ne continue pas à se dégrader d’une manière immonde). Après,dispersion ou lieu de souvenir…
Ceux que l’on aime vivants, nous aident aussi à avancer dans la vie;
Entièrement d’accord avec toi, d’autant qu’il paraît, (on vient de me le dire, à propos de deuils impossibles) Il semblerait que j’aie eu une révélation très jeune qui m’aurait donné une vision très spéciale de la mort, comme n’étant que de la vie, ou presque la vraie naissance. D’où une indifférence au phénomène ‘MORT’, mais qui n’ôte ni le chagrin, ni l’empathie, ni au contraire la capacité à l’accompagnement, pour lequel cette connaissance précoce m’aurait destinée. Curieux?
Mieux vaut s’enflammer mais sans mèche de cheveux, il manquerait plus qu’ils continuent à pousser : » Au premier coup de pioche, la pierre se désintégra et une chevelure vivante d’une intense couleur de cuivre déferla hors de la crypte…
Sur la pierre taillée rongée par le salpêtre en figurait qu’un simple prénom :Sierva Maria de Todos los Angeles. Déployée à terre, la splendide chevelure mesurait vingt-deux mètres et onze centimètres. » (« de l’amour et autres démons », garcia marquez)…
des flammes et un banquet pour ceux qui restent et mieux vaut qu’ils pensent à moi en vivant!
Très belle réflexion, je préfèrerais aussi nourrir le vautour, le loup ou tout autre charognard surtout que pour moi l’âme n’est pas!