L’esprit d’aventure tient en quatre vertus – au sens grec d’arété, principe d’excellence des choses : le désir de découverte, la capacité au risque, le besoin de liberté, et enfin l’aptitude au non-conformisme compris comme potentialité de remise en cause de l’ordre du monde. Toutes les autres qualités qui, à priori, semblent relever de l’esprit d’aventure, telle le courage, la curiosité, la force de caractère ou encore le gout de l’effort, sont en réalité les moyens de mise en œuvre de ces quatre vertus.
Ce sont elles qui produisent aussi bien Kant que Marco Polo. Associer le plus sédentaire de nos philosophes, à l’un des plus entreprenants de nos explorateurs-marchands ne doit pas surprendre. Ce qui les sépare est moins fondamental que ce qui les rassemble par la conjonction des vertus de l’esprit d’aventure : fusion de la pensée et de l’action engendrant la création, action toujours adéquate à la pensée, et pensée conduisant toujours à l’action. (…)
Il n’est jamais simple de percevoir cet esprit chez ceux qui le possèdent. Pensée et action n’ont pas obligatoirement le même poids au sein de l’esprit d’aventure et ses quatre vertus ne s’y trouvent pas forcément en égale quantité. Il arrive même qu’elles se condensent toutes dans la seule pensée, démultipliant celle-ci. Le type d’action qui en résulte est alors entièrement hors du champ physique. Mais l’action est bien là. C’est le cas le plus fréquent dans l’histoire des idées.
Pour l’avenir, la place que nous réservons à l’esprit d’aventure conditionnera la nature de notre société et son niveau de liberté réel. A cet égard, c’est la capacité au risque qui fera sans doute le plus défaut. Cette capacité s’appuie toujours sur un certain mépris du confort et de la sécurité, aussi bien intellectuel que physique. Or, chacun le voit bien, notre société glisse chaque jour davantage sur la pente d’une recherche éperdue de sécurité. (…)
L’homme occidental vit ligoté dans un maquis inextricable de règlements qui le contraignent à la sécurité et lui ôtent toute liberté de choix. (…)
Nous devons nous demander si la modernité à laquelle nous sommes parvenus n’est pas en train de laminer définitivement l’esprit d’aventure du fait de son matérialisme outrancier et d’une conception de la vie dénaturée. Et nous devons nous demander de quelle manière résister. Car sans esprit d’aventure, cet autre nom de la liberté, comment pourrons-nous continuer à être vraiment nous-mêmes ?
Extrait de la revue de la Société des Explorateurs Français
Le texte complet présente un cheminement logique et détaillé sur la nature de l’Esprit d’aventure et sa place dans la vie moderne. Cependant, il m’est difficile de le transcrire ici entièrement.
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