Le marin auquel je pense s’appelle Alain Colas. Quand je l’ai découvert Manureva m’a tout de suite fasciné.
Après avoir fait parti de « l’équipage » Tabarly de 1967 à 1970, il achète Pen Duick IV, un trimaran aluminium (Duralinox) de 20m80, gréé en ketch marconi, ébauché par André Allègre, dessiné par le Bureau d’Etudes nantais-Joseph Rouillard et construit en 1968 au chantier La Perrière à Lorient.
En 1972, Alain Colas est vainqueur de la 4eme Transat Anglaise, en 20 jours et 13 heures devant Jean-Yves Terlain, arrivé 16 heures plus tard, sur Vendredi 13 (son géant de 40 m) .
Pour préparer le prochain projet, Pen Duick IV est rénové et renforcé par un bras de liaison. Devenu bleu et blanc, le trimaran est rebaptisé MANUREVA (en tahitien, « l’oiseau du voyage »).
En 1973, Alain Colas s’élance pour un tour du monde par les 3 caps, au départ de Saint Malo.
169 jours plus tard, il est le premier à réaliser cette performance en multicoque, améliorant de 32 jours le dernier record détenu en monocoque par sir Francis Chichester. (2009 : Mich Desj met 84 jours en monocoque …)
En 1975, un cordage lui sectionne la cheville droite. Il conserve son pied au prix de 22 opérations.
A la fois, armateur, skippeur, journaliste, écrivain, conférencier, réalisateur, commerçant, Alain Colas est un visionnaire.
Et puis, il y a son rêve de ressusciter les clippers de l’avant dernier siècle : Club Méditerranée (Le Phocéas), mais ça c’est une autre histoire.
Je déplore que le reportage de France 3 (Ma-Tvideo France3) : ‘30 ans après la mort d’Alain Colas’ ne soit plus disponible.
A la place une pastille de 5min : Alain Colas, rêves d’océan
Le 5 novembre 1978, Alain Colas est sur la ligne de départ de la première Route du Rhum, course transatlantique en solitaire, avec son cher trimaran Manureva. Un bateau qu’il connait bien.
Au large des Açores, la tempête fait rage et Manureva ne répond plus. Dans son dernier message radio du 16 novembre, Alain Colas disait pourtant : « Le bateau marche à merveille. J’ai retrouvé le contact avec Manureva. »
Le mystère de la disparition de cet homme hors du commun, épris d’aventure, persévérant et entreprenant, n’a jamais été éclairci …
Les hypothèses les plus folles ont été émises.
L’histoire inspire Gainsbourg, ou Lelouch pour initier le film Itinéraire d’un enfant gaté, 10 ans plus tard.
Manureva n’a jamais été retrouvé.
Construit en AG4 (A-G4 : A = alliage d’alu. G 4 = 4% de magnésium), aucun de ses éléments n’aurait pu dériver pour nous fournir le moindre indice.
Des nouvelles de Teura et leurs 3 enfants ?
Merci pour cet éclairage qui aide à mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l’histoire. La ‘grande histoire’ relègue certains faits à l’état de détails alors qu’ils expliquent tant.
Architecte naval, voilà un métier passionnant.
Ce devait être fort exaltant de dessiner ces bateaux pionniers.
Ce bateau était révolutionnaire pour l’époque. Il a donc fait les frais de l’inexpérience générale.
Quant au navire fantôme, quel stratagème pour ne pas désavoué ses partenaires !
En apprendre encore et toujours de Tabarly … dommage pour la course.
La disparition d’Alain Colas serait donc liée à un défaut de moyens.
Nous sommes bien peu de chose.
Vous avez dû ressentir un certain sentiment d’impuissance, de gâchis, j’imagine.
Savez-vous ce que sont devenus son épouse et leurs 3 enfants ?
Quels autres merveilleux navires ont jalonné votre carrière ?
Alègre, de Sète, avait dessiné une silhouette (vue artistique), Eric ayant obtenu un financement « Aluminium Français » (au salon nautique, début 68),ce sont las Chantiers La Perrière qui vont construire ….Il faut faire les plans et réaliser, pour être au départ début Juin. Un laps de temps, beaucoup trop court …..
Les plans, ils sont confiés à un Bureau d’Etudes nantais, Joseph Rouillard. Je tiens le crayon. Ils sont faits « en charrette » …..
C’est exactement le design de la photo ci-dessus. Bras tubulaires, et nous n’avions aucune expérience des efforts à la mer !!!
Patatras, arrivent les grèves de Mai 68. Les grèvistes, laissent travailler une petite équipe.72 heures avant le départ de la Transat, le bateau est maté. Nous ne pouvons pas raidir le gréement, ce sont les bras qui remontent.
Eric ne peut désavouer, ses sponsors, Le Chantier La Perrière et ses compagnons ….. rappelons les circonstances …. Il prendra le départ et la première un abordage avec un navire fantôme …. lui fera prendre la direction de Lorient.
Les bras seront très vite raidis …. Ils seront caissonnés, rien de plus !
Voila la véritable histoire.
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Quant à la disparition d’Alain Colas.
Le Club Méditerranée est en construction à Toulon. Il vit sur Manuréva. J’ai dessiné l’appareil à gouverné du Club Méditerranée. Il l’a encore.
Je fais remarquer à Alain, la faiblesse des soudures des bras sur les flotteurs, la tole de pont est déformée. Je dessine une modification. Pavés de 300mm x 400mm épaisseur 30, pour y mettre 6 goujouns de 14mm et des platines contre-plaques pour y resouder les bras ….. Alain n’a pas un sous, il ne fait pas le réparation ….. Il a perdu un flotteur en mer, j’en suis sur.
Jean-Yves FURIC