Le chant des oiseaux égaye la légère brume qui flotte sur le canal.
J’oublie peu à peu les oppositions de ces derniers jours.
De plus en plus aérienne, la satisfaction grandit minute après minute. Les rayons de soleil chauffent mon visage et je réalise combien l’endroit est paisible. Le héron cendré me salue de son vol puissant, alors que les endorphines font leur effet. J’abandonne les calculs savants, km après km.
Pourquoi s’être lancée dans une bataille sans victoire ?
Alors que les départements compétents estiment qu’il est dans une situation d’urgence, lui ne réalise pas que freiner des quatre fers va le mener tout droit à la mesure de protection.
Il fait une fleur à l’aidant, en lui donnant un peu de son temps.
Mais je suis résistante au chantage à l’affection, aux menaces de suicide. Je le connais trop bien pour qu’il puisse m’impressionner. Après l’expression de ma colère, il ne peut plus tricher. Il s’apaise donc jour après jour.
Et après ? Que se passera-t-il quand je rentrerai au phare ?
Non, non, ce moment est à moi, essentiellement à moi.
J’oublie les déceptions et l’énergie à développer pour emmener mon frère jusqu’à la rive de ce fleuve sans fond. Même mon genou gauche oublie de se rappeler à moi. Les sourires des vélos, VTT et des deux autres coureurs croisés soulagent ma tension, en ce monde rétissant à me laisser avancer.
Je suis libre sur cette voie si balisée, si rectiligne. Je me fous de vous, des autres, de cette étrange famille et des amis qui ne le sont plus.
Je viens de découvrir que je suis un Loup dans ma Steppe.
Je sais bien que l’on a tous en tête l’hérédité; il faut aussi voir qu’il y a des « fêlures » dans presque toutes les familles . Le meilleur rampart que tu puisses offrir à tes enfants c’est bien justement ce que tu appelles « petit bonheur bourgeois ». Le fait de se construire dans une certaine sérénité permet, c’est du moins ce que j’ai pu constater, de ne pas plonger systématiquement dans le négatif mais plutôt de chercher à l’évacuer avec du positif.Le bonheur n’arrive pas non plus tout seul, il faut aussi le vouloir et ne pas considèrer qu’il peut juste être chez les autres.
En 6 jours, son comportement a déjà évolué.
Il se rend peu à peu compte qu’il y a du travail.
Mon but est qu’il devienne moteur de sa propre guérison.
C’est un début. Et comme, nul n’est prophète en son pays, la seule chance est qu’il soit suivi, épaulé et guidé vers l’autonomie par des gens ou structure extérieures à se vie affective.
Alors que je n’aspire qu’a sauter hors des rails, lui a besoin de se remettre dessus.
Nous travaillons sur le long terme.
C’est une charge en effet mais étonnement la prise émotionnelle est limitée.
S’il n’y met pas du sien, il aura choisi la dérive. Il aura décidé de son destin. Arrivera alors ce qu’il aura choisi de devenir.
Mais du coup, je me pose des questions sur cette étrange famille assaillie par la déprime, la colère. Ils ont leurs bons cotés, leur bon sens mais pourquoi sont-ils tous inaptes au bonheur ? Qu’ai-je en moi de toute cette hérédité ? Comment protéger notre petit bonheur bourgeois si agréable avec Ange, Ginkgo et Petit Biloba ?
Que tu ne cèdes pas à son chantage est peut-être pour lui sa seule chance d’avancer, mais est il encore assez lucide pour pouvoir le faire.
Je trouve que c’est une bien lourde charge pour toi.
Merci Sitelle pour le conseil de cet ouvrage sur lequel je vais me pencher !
Je te conseillerais bien une lecture que je crois utile… De Bernard Brusset au éditions Le Centurion, un bouquin très enrichissant « Psychanalyse du Lien ». Ça date déjà de 1988. Mais c’est très utile dans les cas d’impasse entre personnes et objets (tout EST objet, qui n’est pas sujet) Si tu ne le trouve pas, c’est possible, je peux t’envoyer mon exemplaire. Mail privé.