En entrant dans un avion de ligne, accueilli par le sourire de l’équipage, un peu impressionné, l’individu cherche son siège attribué. Il y a ici des règles encore inconnues :
ranger ses affaires dans les compartiments, au dessus des têtes, attacher sa ceinture au décollage et à l’atterrissage, le ballet des hôtesses expliquant les procédures de sécurité puis distribuant les écouteurs …
La place enfin trouvée, la passagère s’approprie l’espace : un coussin là, un petit sac sous son siège avec de l’aspirine, un lait hydratant, des mouchoirs. Les magasines achetés à l’aéroport sont placés dans la poche aumônière avec un bon bouquin. Elle commente le livret des menus, quand le pilote se présente avec humour.
Les blagues sur les avions circulent, il est question de crash, de bombe, de terroristes. Il y en a toujours un pour dire « Statistiquement, l’avion est le moyen de transport le plus sûr« .
En regardant les individus de plus près, plusieurs catégories sortent du lot : les habitués, les anxieux, les mal-élevés, les parents qui s’affairent avec leurs enfants. Les autres observateurs croisent leurs regards complices !
Enfin tout le monde assis, l’avion se meut, l’excitation monte. Il roule sur le tarmac jusqu’à la piste d’envol. La puissance des réacteurs est poussée subitement et l’avion commence à rouler. L’accélération plaque les passagers au fond de leur siège. A cet instant le brouhaha précédent a disparu.
Tout le monde semble concentré comme si la réussite du décollage ne tenait qu’au fait que chaque passager y mette du sien.
La montée terminée, l’indicateur de débouclage des ceintures sonne et libère les plus pressés d’aller aux toilettes. Les hôtesses attrapent les charriots et proposent une collation avec sourire mais supériorité. Il y a ceux qui répondent sans détour et les questionneurs avides de sur-mesure. A ce moment, certains en profitent pour s’indigner de leur place – au niveau des ailes – ce qui leur bouche toute la vue.
Les premières turbulences secouent les verres, font trébucher les instables. Et puis il y a ce rideau séparant les différentes classes … l’arrière de l’avion se penche pour entrevoir ce qu’il n’aurait pas … du champagne, des filles, une ambiance d’enfer ? A défaut, l’attirance pour la télécommande se fait sentir et le jeune homme tripatouille tous les boutons pour assimiler les programmes des films, des radios. Il s’arrête sur les jeux vidéo …
Les uns et les autres font connaissances, se trouvent des penchants similaires. Les bavards soulent leurs voisins. Les timides n’osent pas poser leur coude sur l’accoudoir commun. Les enfants n’arrivent pas à dormir trop excités par la nouveauté. Les CCAC (costumes cravates attaché case) travaillent sur leur ordinateur. Les gourmands ou les stressés grignotent tout au long du voyage.
Et, il y a les dormeurs qui s’extraient de cette petite société.
Les visages, inconnus il y a à peine 4h, deviennent familiers, mais aussi les voix de ceux qui la ramènent tout le temps. La nuit est tombée et le diner a été servi. Les voisins regardent un film sur leur lecteur individuel. Monsieur montre à Madame, le chemin déjà parcouru sur l’écran, évitant les pays politiquement sensibles. La lumière s’est tamisée pour laisser les autres débuter leur nuit. Un œil sur le sol moelleux et il s’avère que beaucoup se sentent comme à la maison : ils ont ôté leurs chaussures. Une intimité s’installe … Les lumières de la terre, en dessous, scintillent dans le noir, rappelant les lignes de Saint Saint-Exupéry dans Vol de Nuit.
La vie est ici, à l’intérieure de la carlingue, alors que ces lumières matérialisent d’étranges fourmilières de formes variées.
Le repos est fugace perturbé par les ronflements et le froid. Il faudrait aller chercher le pull prévu … dans le coffre, là-haut ! Les fantasmes surgissent … dans un avion à plus de 30 000 pieds … Le ronronnement des moteurs berce les passagers.
Quand le soleil se lève, l’équipage s’agite, les uns et les autres émergent. La magnifique nana a du noir sous les yeux, surement son mascara, ses cheveux sont en bataille. Elle est agacée parce que la queue aux toilettes fait 7 rangées. La cuisine industrielle se laisse manger avec un jus d’orange sucré et pasteurisé. L’équipage est pressé de déservir. Encore un peu de répit dans ce cocon apaisant, avant de découvrir l’inconnu. Des liens se sont créés entre ces inconnus de la veille. Un peu d’impatience se lit sur les visages. Les yeux se tournent vers l’extérieur, quand le pilote annonce la descente vers l’aéroport de destination, la météo, la température et le décalage horaire.
Les plus calmes découvrent le paysage de plus en plus détaillés ; les plus excités s’agitent pour préparer leur arrivée. Les toilettes sont à nouveau prises d’assaut. Il faut bien se refaire une beauté … Le signal sonore « ceinture » se fait entendre, juste après que tous les casques audio aient été récupérés. Après plus de 20 min, la piste approche. Les mains sont crispées sur les accoudoirs. Le train d’atterrissage touche enfin le sol.
A ce moment, la foule est impatiente d’être libérée, mais l’avion roule interminablement !
Enfin stoppé, c’est la ruade sur les coffres pour sortir parmi les premiers. Impatients d’être accueillis comme il se doit ! Chacun quitte sa place, un au revoir sans conviction, espérant ne rien oublié. L’équipage salue les passagers d’un sourire commercial ou complice selon la température des échanges.
Le Microcosme se dissout … Seuls quelques-uns repenseront à cet échantillon de vie, de société, quand ils lèveront leurs yeux vers le sillage blanc d’un avion de ligne ! Qui regarde le ciel de nos jours ?
Personnellement, c’est en entrant dans l’avion, que je cherche les visages qui prendraient le leadership, si ce microcosme était confronté à un scénario de film catastrophe … 🙂
[…] enivrantes, de saveurs épicées, de la douce musique d’une langue étrangère, du microcosme d’un avion, de la promiscuité d’un taxi-brousse, de végétation luxuriante. Un sursaut de futile […]